Le plafond maudit
Lorsque Louis XIV arrive à Vaux le 17 août 1661, il découvre le Grand Salon comme vous le voyez aujourd’hui : l’architecture et la sculpture sont achevés, entièrement blancs, mais le grand décor peint que Le Brun a prévu sur les murs et sur la voûte n’a pas encore été commencé. Seuls quelques tests de couleur apparaissent dans une travée. Trois semaines plus tard, Fouquet est arrêté et le chantier reste inachevé.
Puis, pendant 186 ans, le grand salon reste intouché, dans sa blancheur originelle, jusqu’à ce que le Duc de Choiseul-Praslin décide, en 1845, de le restaurer et d’en profiter pour faire peindre la voûte blanche, probablement très sale et marquée par les infiltrations d’eau. Échaudé par le devis qu’on lui présente pour la réalisation de l’immense fresque de Le Brun, il se rabat vers un projet plus modeste. Il commande à un simple décorateur de théâtre la réalisation d’un ciel avec 5 aigles, copié sur celui d’un plafond du Château de Ludwigsburg en Allemagne.
Ironie du sort, un drame familial en 1847 précipite à nouveau le propriétaire de Vaux en prison, où lui aussi finira ses jours. Une nouvelle fois le drame est suivi d’une longue enquête judiciaire et le chantier du grand salon se trouve interrompu. Seule la moitié centrale du ciel a été réalisée, l’aigle central est achevé et deux autres sont juste esquissés. Quelques années après ce nouveau drame, et avant de vendre Vaux, les héritiers du défunt propriétaire font achever le ciel de façon bâclée.
Après ce second drame, et durant les 150 années suivantes, les propriétaires successifs de Vaux semblent ne pas oser, à leur tour, modifier le décor de la pièce malgré la médiocrité de la peinture de la voûte, comme si à chaque fois ils craignaient que ce plafond réservait un sort dramatique à celui qui s’y attaquait.
Un parti-pris de restauration
Mais aujourd’hui, en 2021, comme en 1845, son état nécessite une restauration. C’est au cours des recherches qui ont précédé cette restauration que nous avons découvert l’identité du peintre qui l’a réalisé en 1847, et la localisation du plafond allemand qu’il a copié. Et c’est au cours du nettoyage de la voûte, très encrassée, que nous avons découvert les « fantômes » des 2e et 3e aigles, l’absence des 4e et 5e aigles, et surtout le médiocre achèvement des parties basses du ciel de 1847 par une main peu compétente. Ces nombreuses découvertes nous ont conduit à réfléchir à l’intérêt de restaurer un plafond de si pauvre conception et de si piètre facture. De plus, la pièce a perdu toute harmonie avec en haut une œuvre du XIXè médiocre et très colorée, et aux murs des stucs XVIIè exceptionnels mais sans couleur.
« Plutôt que de maintenir l’état historique sans intérêt et peu harmonieux de 1847, il nous a paru judicieux de montrer au public l’état historique de 1661, plus équilibré et plus émouvant historiquement : Fouquet, ses artistes, le roi et la cour ont vu le grand salon dans cette même configuration. » explique Ascanio de Vogüé, l’un des frères propriétaires du château.
Un badigeon blanc a donc été appliqué, de façon réversible, sur le ciel de 1847. Un simple coup d’éponge permettrait de retrouver, intact, le ciel de 1847, préservé sous ce badigeon.
Clins d’œil croisés de l’Histoire
Le saviez-vous ?
Le ciel et son aigle central ont été réalisés par un peintre d’origine allemande : Jean-Charles Duttenhofer. Celui-ci a copié un plafond réalisé par un peintre français dans un château allemand : le plafond du Salon de Marbre du Château de Ludwigsburg. L’architecture et le décor sculpté de ce salon de marbre allemand sont inspirés de ceux du grand salon de Vaux (photo ci-contre) !